Le Parisien 12/2023

Covoiturage BlaBlaCar Daily plaine de Versailles

La Briqueterie et les Fermes de Gally ont décidé de souscrire un abonnement à la plate-forme BlaBlaCar Daily, afin d’inciter leurs quelque 600 salariés à mutualiser leurs trajets.

Quand les entreprises encouragent le covoiturage

Pas de gare, un bus dont les dessertes ne sont pas suffisantes et le sempiternel flot de voitures individuelles qui défilent sur la D 307. À Feucherolles, au cœur de la plaine de Versailles, ce constat a conduit deux entreprises à sceller un accord pour favoriser le covoiturage de leurs salariés. À compter de début janvier, elles vont payer en commun un abonnement annuel de 1 500 € souscrit auprès de la plateforme BlaBlaCar Daily. Car ces sociétés œuvrent au sein d’un poumon économique situé au milieu des champs. Dans ce village, 80 entreprises et 4 magasins partagent la même philosophie et le même espace de travail au sein de La Briqueterie, un ancien bâtiment industriel du XIXe siècle transformé en pépinière. Imaginée il y a quinze ans sous l’impulsion d’Olivia Allard, arrière-petite-fille du propriétaire, la formule cartonne. Formée sur les bancs d’une école de commerce, Olivia a voulu « faire quelque chose » de ce patrimoine familial.

Compensation financière pour le conducteur

Artistes, architectes, courtiers… Quelque 400 personnes y travaillent aujourd’hui, dans des locaux de 12 000 m². Et tous, ou presque, arrivent au travail au volant d’une voiture pleine… de vide. Matin et soir, ils affrontent les bouchons sur la D 307. Les gares les plus proches (Plaisir, Villepreux, Saint-Nom-la-Bretèche, Beynes et Noisy-le-Roi) se trouvent à une distance comprise entre 4 et 7 km. Et depuis la naissance de l’arrêt Briqueterie-Collège, ceux qui voudraient prendre le bus ont peu de marge de manœuvre : les horaires sont calés sur l’emploi du temps scolaire. « Ce n’est pas qu’une expression : le site est ravitaillé par les corbeaux et cela constitue un frein majeur à l’emploi, commente Olivia Allard. La Briqueterie ne désemplit pas mais vu les difficultés de mobilité, c’est un miracle ! »

C’est alors que Lou Adler, chargée des enjeux RSE (la responsabilité sociétale des entreprises face au développement durable) chez Technifibre (groupe Lacoste), a eu une idée. Embauchée pour travailler à la réduction de l’impact environnemental, la jeune femme a placé la problématique des transports sur le haut de la pile. « Ici, 50 % de notre empreinte carbone provient des déplacements domicile travail. Presque tout le monde vient travailler en véhicule individuel : c’est un levier sur lequel nous avons une grosse marge de manœuvre. »

La spécialiste a élaboré un questionnaire, l’a adressé aux collaborateurs de Technifibre, puis à ceux des autres entreprises de la Briqueterie. Une cartographie de leurs déplacements a été établie. Elle constitue le socle du projet. Emballée par l’idée, Olivia Allard a contacté deux structures voisines appartenant aux Fermes de Gally, dirigées par Camille Laureau-Wallon : l’incubateur de start-up Station V et la Ferme horticole Théart. Les Fermes de Gally ont accepté de se lancer dans l’aventure initiée par la Briqueterie. Et de participer au financement de l’abonnement sur BlaBlaCar Daily.

Les deux entités — environ 600 personnes au total — ont été séduites par « l’efficacité de l’algorithme » et par la plateforme de suivi, qui leur permettra de consulter en temps réel le nombre d’inscriptions, les estimations de CO2 économisé, la répartition géographique des déplacements…

Les candidats au covoiturage, eux, bénéficient d’une batterie d’avantages : le conducteur reçoit une compensation d’1,50 euro par trajet et les passagers profitent de la gratuité pour leurs 40 premiers trajets. Ils paient ensuite 0,50 € par voyage. Ou rien du tout, s’ils sont titulaires du passe Navigo, dans la limite de deux trajets par jour. Un service de remplacement gratuit est assuré grâce à un partenariat avec Uber, en cas de désistement du covoitureur. « Cette solution clé en main est vraiment séduisante, estime Marie-Victoire d’Ormesson, directrice générale du magasin Barbecue & Co et du restaurant attenant, qui emploient trente salariés à la Briqueterie. L’initiative peut faciliter l’embauche de jeunes employés, qui ne possèdent pas de véhicule. Il reste un travail pédagogique à fournir : expliquer que l’utilisation du service est simple et représente une vraie économie, convaincre les potentiels usagers qu’il y a des arguments forts pour les inciter à franchir le pas.

Préserver le poumon économique

La Briqueterie de Feucherolles et les Fermes de Gally se jettent à l’eau alors que le covoiturage en Île-de-France peine à décoller et que les incitations de la région et de l’État se multiplient pour tenter d’inverser la tendance. « Nous sommes bien incapables de dire si notre initiative va fonctionner, commente Olivia Allard, dirigeante de la Briqueterie. Nous tentons quand même parce qu’il faut bien trouver une solution pour préserver le poumon économique que nous développons depuis quinze ans. »

L’idée est d’expérimenter le concept pendant un an, de voir si ce nouvel usage s’ancre localement « et de démontrer que l’on peut trouver des solutions ». « Si ça fonctionne, projette Olivia Allard, notre espoir serait que les collectivités locales prennent le relais et financent l’abonnement à BlaBlaCar elles-mêmes. »

Légende photo : En 2024, la Briqueterie de Feucherolles, dirigée par Olivia Allard (à g.), et les Fermes de Gally vont financer un abonnement annuel à BlaBlaCar Daily.

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